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Danton : "De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace..."

Georges- Jacques Danton naît à Arcis-Sur-Aube le 28 Octobre 1759. Quand son père, procureur de la ville, meurt, l’enfant n’a pas encore deux ans. C’est alors à sa mère que revient la lourde tâche d’élever seule ses cinq fils. Sans doute débordée par l’écrasante responsabilité que le décès de son mari lui impose, elle confie le petit Georges au soin d’une nourrice. Au XVIII° siècle, cette pratique est très courante. Les aléas de la vie quotidienne la rendent nécessaire.

Ceux qui ont rencontré Danton au cours de sa carrière politique n’ont jamais oublié de souligner l’affreuse laideur de son visage. L’enfance de celui qui, plus tard, deviendra l’un des plus habiles orateurs de la Révolution, n’a pas manqué de rudesse. A peine âgé d’un an, le coup de corne d’un taureau furieux lui emporte une partie de la lèvre supérieure. L’homme en gardera à jamais une terrible cicatrice et une hostilité, bien compréhensible, pour les taureaux.

A l’époque la vérole frappe souvent les jeunes. Elle n’épargne pas plus Georges que les autres. Celui-ci en réchappe mais la maladie a le temps de laisser sur ses traits une marque définitive.

Vers dix ans, le garçon est mis en pension au séminaire de Troyes. L’oncle de la famille nourrit pour lui l’espoir d’une carrière ecclésiastique. Mais la discipline religieuse ne s’accorde guère au tempérament impulsif et agité de l’adolescent. Le règlement particulièrement strict de l’établissement le rend enragé. Il est exclu au bout de quelques mois puis recueilli par les Oratoriens. La souplesse de l’ordre lui convenant davantage, il y apprend le latin. Mais il découvre aussi que la religion n’est pas pour lui. Ses études achevées, il part à Paris.

Il trouve à se faire embaucher dans le petit cabinet d’un avocat. Il apprend au contact de son maître ce métier qui fut celui de son grand-père puis de son père et qui éveille son intérêt. Mais sans diplôme, les portes de la magistrature lui restent fermées. Le voilà donc reparti, pour Reims cette fois. Il en revient quelques années plus tard, ces études de droit accomplies, avec dans ses bagages une licence. De retour sur la capitale, il s’installe et ouvre son propre cabinet, rue des Mauvaises- Paroles....

Mais maître Danton n’est pas surchargé de travail. Il plaide finalement assez peu : la concurrence ne manque pas, les confrères sont très nombreux. Et puis, l’homme ne s’acharne pas non plus au labeur. En cela, son tempérament est très différent de celui de Robespierre. Georges n’est pas fait pour rester de longs moments assis à une table, il lui faut de l’action. Il passe donc plus de temps à fréquenter les cabarets que les tribunaux. C’est d’ailleurs dans l’un d’eux, le café du Parnasse, qu’il rencontre celle qui deviendra son épouse. Il s’agit de Gabrielle Charpentier, la fille du propriétaire de l’établissement. Comme il la trouve fort à son goût, et qu’elle apporte en outre une dot confortable, il l’épouse sur le champ. Du mariage naîtront quatre enfants dont deux fils seulement survivront.

Les évènements de 1789 bouleversent la France comme l’existence de Danton. La Révolution conduit l’homme sur les chemins plus mouvementés et périlleux de la politique. Pourtant, ses débuts de carrière ne sont pas éclatants. Si Robespierre a la chance de faire partie des Etats- Généraux, puis de l’Assemblée Législative, l’enfant d’Arcis-Sur-Aube doit se contenter d’un départ plus modeste.

1789, ce ne sont pas seulement la prise de la Bastille et la rédaction de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. C’est aussi la découverte de la vie politique pour les Français. La multiplication des journaux permet à chacun de construire puis d’exprimer ses opinions. Jamais dans les bistrots, dans les rues de la capitale, on a autant commenté, critiqué, analysé les décisions du pouvoir.

Les premiers clubs apparaissent à ce moment et accueillent ceux qui le souhaitent. Installés dans quelques couvents abandonnés, ils réunissent toutes les origines sociales, tous les milieux professionnels. Les Parisiens qui y participent ne sont pas des experts de la parole. Quelques uns montent à la tribune et improvisent un discours maladroit. Le silence et l’écoute ne sont pas souvent à l’ordre du jour : les réunions se déroulent la plupart du temps dans une atmosphère survoltée et agitée.

C’est au club des Cordeliers que Danton fait ses premiers pas d’homme politique. Il en devient rapidement le président. Ses interventions régulières marquent les esprits. Ses formules sont percutantes. L’ancien avocat sait parfaitement manier les mots. Les plaidoiries qu’il a soutenu au cours de ses procès perdus ou gagnés lui ont donné un solide sens de la répartie. Et puis, bien mieux que Robespierre, il impose sa personnalité, son charisme. L’orateur a la chance de posséder les qualités nécessaires pour cela. Sa taille, la puissance de son corps, la largesse de ses épaules, la laideur de son visage même font que celui-ci ne passe jamais inaperçu quand il se présente devant son auditoire. Sa seule présence suffit à imposer le respect et l’attention. Et puis, il y a sa voix, solide, assurée qui éclate parfois comme un tonnerre, quand les circonstances du discours l’exigent. L’intelligence du personnage, ses phrases incisives et justes achèvent de séduire ceux qui ne viennent que pour l’entendre.

Pendant deux ans, le tribun construit patiemment la popularité qui va le porter sur le devant de la scène publique. Son action ne s’exerce encore que dans le cadre des clubs de la capitale. Mais son heure approche. Elle finit par retentir en 1792, lorsque la Monarchie disparaît au lendemain de la prise des Tuileries. La journée du 10 Août, Danton en est le principal artisan. Il l’a préparé minutieusement. Quand les députés de l’Assemblée législative se réunissent pour confier à un Comité provisoire le pouvoir exécutif vacant, on pense naturellement à Danton. On lui laisse la responsabilité de la justice. Une aubaine pour l’ancien avocat. Très vite, il prend l’ascendant sur ses collègues plus timorés, plus discrets. Officiellement, il n’est qu’un ministre parmi les autres. Dans les faits, il est le chef du gouvernement sans en avoir le nom.

Aux moments les plus critiques, il se fait entendre. A ceux qui proposent de quitter Paris, menacé par les troupes prussiennes en Septembre 1792, il répond « De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace... ». Son élection à la Convention, un peu après, couronne sa carrière et donne de lui l’image d’un Révolutionnaire populaire du pavé parisien.

Quand au printemps 1793, la République se trouve confrontée à une coalition européenne puis à une guerre civile en Vendée, il entre au comité de Salut Public. On attend beaucoup de lui et de sa perspicacité. La tâche est-elle trop lourde à assumer ? Pour une fois, il n’est pas à la hauteur de la situation. Les défaites se poursuivent, sur les frontières mais aussi à l’Ouest. Il faut un coupable, ce sera Danton qui démissionne. Il faut un sauveur, ce sera Robespierre qui le remplace.

Amer, aigri, déçu, il se retire un moment de la vie publique. Le décès soudain de son épouse Gabrielle au début de 1793 explique sûrement son échec et le désir qui est le sien de prendre un peu de recul. Il repart à Arcis-Sur-Aube chez sa mère. Au cours de son séjour, entouré des siens, il fait la connaissance d’une jeune fille, de plusieurs années sa cadette, Louise Gely. Il se marie avec elle quelques mois plus tard.

L’inactivité ne convient pas davantage à Danton en 1793 qu’à l’époque de son adolescence. L’ennui finit par le prendre, l’agitation de la vie parisienne lui manque. Au début 1794, il est de retour dans la capitale. Il y trouve un climat terriblement pesant. Robespierre s’est installé a pouvoir, la Terreur bat son plein. Les sinistres cortèges quotidiens des condamnés que l’on mène à l’échafaud indiquent que l’heure n’est plus à la clémence.

A peine a-t-il retrouvé les gradins de la Convention que Danton redéploie ses talents d’orateurs. Les premiers discours qu’il lance du haut de la tribune rappellent à chacun que le brillant personnage, malgré ses déboires passés, n’a rien perdu de son charisme. Ses paroles résonnent d’ailleurs comme un avertissement pour Robespierre : l’indulgence doit remplacer la Terreur, les affreux convois de la guillotine doivent cesser. Entre les deux hommes, la rivalité tourne rapidement à l’affrontement.

L’incorruptible manœuvre patiemment pour se débarrasser de celui qui est devenu son adversaire le plus dangereux. Le 30 Mars 1794, il parvient à obtenir de ses collègues du Comité de Salut Public l’arrestation de Danton et de ses partisans pour tentative de rétablissement de la Monarchie. (A l’époque de la Révolution, on fait bon marché de la vérité...). En pleine nuit, un détachement de la garde nationale interpelle le tribun dans son appartement parisien. Il est aussitôt conduit à la Conciergerie en compagnie de ses amis, dont Camille Desmoulins.

Arrêté, emprisonné, il n’a pourtant pas encore été jugé. Le procès qui s’annonce inquiète terriblement Robespierre : il sait que son ennemi est suffisamment talentueux pour retourner en sa faveur ses juges et l’auditoire. Rien n’est plus incertain que sa condamnation.

Et en effet, les appréhensions de l’Incorruptible se confirment dès les premières audiences. Avant même l’ouverture des débats, l’orateur a gagné le soutien du public. Le procès tourne vite en une série de joutes verbales entre le président et les accusés. A ce jeu là, Danton est le plus fort. Installé au milieu du tribunal, il est sur le terrain qu’il connaît le mieux. Face à ses détracteurs, il est parfaitement à l’aise. L’ancien avocat utilise tout son talent pour sauver sa tête. Robespierre sent que la situation lui échappe.

Le dictateur organise une manœuvre de dernière minute dont la légalité douteuse révèle combien il craint l’acquittement de son adversaire. Sur sa proposition, le Comité de Salut Public vote à la hâte un décret expulsant du tribunal tout accusé irrespectueux de ses juges. Dès le lendemain, Danton et ses amis ne sont pas autorisés à assister aux débats du procès. Ils sont condamnés à mort en leur absence sans avoir pu exposer leur défense.

Le 5 Avril 1794, aux petites heures du matin, trois charrettes les conduisent à la guillotine. Jusqu’au bout, Danton garde son attitude charismatique. Quand le triste convoi passe devant la maison de Robespierre, il se dresse brutalement et s’écrie :

« C’est en vain que tu te caches Robespierre, mais tu me suivras et ta maison sera rasée... »

Il est l’un des derniers à passer sur la bascule. Alors que le bourreau l’entraîne vers l’affreuse machine quand vient son tour, il lui dit :

« Tu montreras ma tête au peuple....Elle en vaut bien la peine... »

Portfolio

Portrait de Danton.