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La crise de Cuba : la troisième guerre mondiale aura-t-elle lieu ?

Sur une carte du globe, Cuba n’est qu’un petit territoire de quelques milliers de kilomètres carrés de superficie, à proximité des côtes du géant américain. Pourtant, c’est autour de cette petite île des Caraïbes que trois semaines durant, en 1962, toutes les tensions et les peurs du monde bipolaire se cristallisent. Ici, aurait pu naître le conflit nucléaire que la communauté internationale redoutait depuis 1945.

L’intérêt stratégique de Cuba n’a jamais échappé aux Etats-Unis. L’ancienne colonie espagnole (Jusqu’en 1898) construit dès le début du XX° siècle d’importantes relations économiques avec son puissant voisin. Washington soutient les régimes successifs de La Havane (Souvent des dictatures) parce qu’ils protègent les industries américaines installées sur l’île. Les capitaux de la bourgeoisie new-yorkaise animent l’économie cubaine et permettent aux dirigeants politiques de se maintenir. Les Etats- Unis sont également les principaux partenaires commerciaux du petit pays qui vit en grande partie de ses exportations de sucre et de tabac.

Au moment de la Guerre Froide, Cuba acquiert une nouvelle dimension internationale. En 1959, un homme arrivé d’Amérique latine où il a longtemps combattu pour les idées communistes, débarque avec ses troupes sur les côtes de l’île. En quelques semaines de lutte, il parvient à s’emparer du contrôle du territoire et renverse le gouvernement de Batista, un dictateur lié aux Américains. Le pouvoir entre ses mains, il installe un régime marxiste et prend contact avec l’URSS. Son nom est encore peu connu à l’époque : Fidèle Castro.

Pour les Etats-Unis, les changements politiques intervenus à Cuba sont une très mauvaise nouvelle : Khrouchtchev dispose à présent d’un allié dont il peut se servir pour menacer directement les intérêts de son adversaire. Castro à peine installé, Washington monte une expédition militaire secrète dont l’objectif n’est rien de moins que de renverser le régime du dictateur. L’opération, mal conçue, est un effroyable échec et une suprême humiliation pour les Etats-Unis (1961).

Du coup, au même titre que Berlin ou la Corée, la petite île des Caraïbes devient l’une des zones de tension où la rivalité américano-soviétique s’exprime au grand jour.

Le 18 Octobre 1962, Kennedy reçoit sur son bureau les clichés pris par un avion lors de son passage au dessus du territoire cubain. Les photos présentent tout un matériel militaire, visiblement des rampes de lancement de missiles. De nouveaux vols de reconnaissance apportent des précisions supplémentaires : il semble que depuis plusieurs semaines, les Soviétiques installent sur le littoral des bases d’où ils pourraient envoyer des fusées.

A Washington les agissements de l’URSS sont inacceptables puisque la portée des missiles est suffisamment longue pour menacer les grandes villes du Sud- Ouest du pays : Atlanta, Dallas, Houston....

Kennedy réagit avec une fermeté à laquelle Moscou ne s’attendait sans doute pas. Le président exige l’évacuation immédiate des missiles soviétiques. Khrouchtchev refuse. Quelques bâtiments de la marine militaire russe font route pour les Caraïbes.

De leur côté, les Etats-Unis organisent le blocus total de l’île, une partie de la flotte verrouille le détroit de La Havane. Castro soutient son allié communiste : il menace d’abattre tout appareil américain qui viendrait à survoler sans autorisation le pays. Quelques jours plus tard, la DCA du dictateur ouvre le feu sur un avion B 26 envoyé en mission au dessus de Cuba. Le pilote, le lieutenant Anderson, est tué lors de l’accident. Ce sera la seule victime de la crise.

Le 22 Octobre, un nouveau degré est franchi dans l’escalade de la confrontation. Vers 20 heures, Kennedy s’exprime sur les ondes de la télévision américaine. Il prononce un long discours auquel il donne toute la gravité qui lui semble nécessaire vu les circonstances. Il y dénonce les agissements des Soviétiques et sa détermination à utiliser la force si Moscou conserve ses positions

Le lendemain, plusieurs régiments de Marines sont mobilisés puis rassemblés en Floride dans l’éventualité d’un prochain débarquement sur La Havane. Castro, pour sa part, met en état d’alerte les 270000 soldats de l’île. Khrouchtchev ne cède rien. L’ONU est sollicitée par les Etats-Unis pour apporter une réponse à la crise et son arbitrage. A cet instant, la situation est tendue à son maximum : le monde n’est jamais passé aussi près de la troisième guerre mondiale.

Dans l’affaire, Khrouchtchev est loin de tenir la meilleure place. Le dirigeant sait parfaitement que son pays, malgré l’arsenal nucléaire dont il dispose, n’est pas en mesure de soutenir un conflit avec l’Amérique. Mais, il ne peut non plus accepter les exigences de Washington et autoriser le retrait des missiles. L’URSS, dont l’autorité est contestée au sein même du bloc est par l’ancien allié chinois, y perdrait son rôle de guide du monde communiste. Aussi, la marge de manœuvre du Soviétique est-elle particulièrement réduite, sa position périlleuse.

Il fait donc savoir à Kennedy qu’il retirera ses missiles à la condition que celui-ci fasse de même en Italie et en Turquie et qu’il promette de ne pas organiser le débarquement de ses troupes à Cuba. La Maison Blanche donne un accord de principe mais refuse de signer quoi que ce soit. Pour Moscou, c’est suffisant. Khrouchtchev trouve là une sortie de crise honorable et se saisit de l’occasion offerte.

Quelques jours plus tard, le 28 Octobre, l’URSS évacue ses missiles hors de l’île. La tension s’apaise. Les conséquences de cette crise internationale sont incalculables. Khrouchtchev en est le grand perdant : la vague promesse de Washington de démanteler ses bases de lancement en Italie et en Turquie ne compense pas son recul. La Chine profite d’ailleurs de l’évènement pour se poser en champion du bloc communiste.

Du côté américain, malgré les apparences, la crise a aussi des résonances négatives. Tout au long de l’affaire, les Etats-Unis consultent très peu leurs alliés européens. Les relations à l’intérieur du bloc ouest en ressortent affectées. Pour de nombreux adhérents de l’OTAN, il est clair que le géant américain prend ses décisions sans prendre le temps de la concertation. La politique indépendante de De Gaulle y gagne en audience.

Enfin, la crise de 1962 donne aux relations internationales une nouvelle orientation. Les tensions entre les deux puissances s’assoupissent pour plusieurs années car jamais le spectre de la guerre nucléaire n’a fait autant peur. Commence une période de rapprochement et de détente marquée par des conférences sur le démantèlement des armes nucléaires, les voyages officiels dans les pays de l’un ou l’autre bloc....

Jamais depuis ce mois d’Octobre 1962 le monde n’est passé aussi près d’un conflit concernant l’ensemble de la planète...