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David, peintre de la Révolution et de l’Empire.

Jacques Louis David est le peintre de la Révolution et de l’Empire. De son infatigable énergie créatrice nous sont parvenus de célèbres tableaux accrochés aux murs des musées européens les plus connus : Le Serment du Jeu de Paume, L’Assassinat de Marat, Le Passage des Alpes par Napoléon, le Sacre….

L’artiste est bien plus que le spectateur passif des évènements qu’il décrit à travers ses toiles. Il est l’un des acteurs essentiels du grand bouleversement de 1789. Elu à la Convention, en Août 1792, auprès de son ami Robespierre, il occupe dans les rangs du parti des Montagnards une place de choix. Quand survient le sanglant épisode de la Terreur, il est membre du Comité Général de Sûreté. Ce titre lui vaut de signer plusieurs condamnations de suspects. Lorsque ses compagnons sont à leur tour conduits à la guillotine (Fin juillet 1794), il frôle de peu l’échafaud. Son absence de la Convention le sauve in extremis du fatal couperet. Néanmoins arrêté sur ordre des Thermidoriens, il purge une peine d’emprisonnement de quelques mois. De nouveau inquiété puis enfermé en 1795, il finit par recouvrir la liberté.

Non seulement David surmonte les temps troublés qui suivent la disparition de Robespierre mais il réussit également à attirer l’attention de Bonaparte. Admirateur du talent de l’artiste, le prestigieux général des armées d’Italie lui offre une place influente dans son entourage. Pour l’ancien révolutionnaire, c’est un tournant de carrière décisif. Il choisit de mettre au service de l’Empire ses palettes et son génie artistique. Il accepte la charge éprouvante de peintre officiel du régime napoléonien dont il illustre la gloire et la puissance par de remarquables compositions. Si le tableau du Sacre (l’un de ses plus beaux) ne peut prétendre au réalisme qu’il semble vouloir afficher (C’est avant tout une œuvre de propagande pensée par l’Empereur dans ses moindres détails), il n’en demeure pas moins que les dimensions démesurées de la toile et la maîtrise du pinceau ne peuvent laisser indifférents.

Quand Waterloo annonce le glas de l’épopée napoléonienne, David fuit la France. Menacé par les Bourbons qui ne lui pardonnent pas son passé républicain et son engagement auprès de la famille impériale, c’est en Belgique qu’il trouve refuge. Il y meurt en 1825.

On peut certes reprocher au célèbre peintre ses orientations, ses dérives et ses compromissions politiques mais, deux siècles après son décès, ses compositions entretiennent sur les visiteurs du Louvre ou d’autres musées une fascination réelle.

 

L’ASSASSINAT DE MARAT.

 

 

Le tableau est visible au musée de Bruxelles. Il rappelle le tragique assassinat de Marat par Charlotte Corday. L’après midi du 13 Juillet 1793, la jeune fille se rend au domicile du célèbre tribun. Elle apporte, dit-elle, les noms des députés girondins en fuite et recherchés depuis le printemps précédent. Quand elle pénètre dans l’appartement, Marat est au bain. Une terrible maladie de peau, contractée sans doute quelques années auparavant dans les égouts parisiens, oblige « l’Ami du Peuple » à se plonger de longues heures dans une baignoire d’eau tiède.

Charlotte s’approche de l’homme. Comme celui-ci l’interroge sur les raisons de sa visite, la timide Normande répond qu’elle dispose de renseignements concernant ceux que les Montagnards pourchassent sans se lasser. Marat a un sourire de satisfaction : il prend une feuille de papier et se prépare à noter les informations que Charlotte prétend détenir. Celle-ci profite alors de l’instant pour tirer de son corsage un couteau de cuisine qu’elle plonge aussitôt dans le cœur du malade. Marat meurt sur le coup. La meurtrière est arrêtée, sans avoir cherché à fuir. Alertés par les cris éperdus de la compagne du tribun, les pensionnaires de l’immeuble accourent sur les lieux. Il s’en faut de peu pour que Charlotte ne soit lynchée. L’intervention de la police la sauve : emmenée à la Conciergerie, elle subit un premier interrogatoire. Son procès s’ouvre quatre jours plus tard, le 17 Juillet 1793. Quand les magistrats lui demandent les raisons de son geste, elle explique qu’elle voulait débarrasser le pays d’un tyran sanguinaire. (Marat souhaitait renforcer la Terreur). De leur cachette, les Girondins apprennent la mort du Montagnard. Néanmoins ils n’éprouvent aucune satisfaction particulière : le crime de Charlotte Corday ne les sauve pas. Beaucoup regrettent que la jeune fille ne se soit pas attaquée à Robespierre autrement plus dangereux et influent. La disparition de Marat, dont les jours étaient de toute façon comptés à cause de sa maladie, ne sert pas la cause du parti de la Gironde.

La meurtrière est condamnée à mort à l’issue d’une seule journée d’audience. Elle est conduite à l’échafaud le soir même, vers 17 heures.

Les funérailles de Marat sont l’occasion d’une démonstration de grande ferveur républicaine. Tandis que les cendres du tribun sont transférées au Panthéon, David entreprend à la demande du parti Montagnard la composition d’une toile évoquant le triste évènement.

Ce tableau, bien que remarquable par l’atmosphère dramatique qu’il réussit à mettre en œuvre, ne présente qu’une scène bien éloignée de la réalité. Le peintre y affiche ses orientations politiques : il présente Marat sous les traits d’un martyr de la Révolution.

- La plaie laissée par la lame acérée du couteau, volontairement dépeinte dans le moindre détail, rappelle la blessure du Christ sur la croix, transpercé de la lance du fantassin romain.

- La blancheur très vive du foulard autour de la tête du révolutionnaire souligne le sentiment d’innocence, de bonté et dévouement.

- Sur la planche installée au travers de la baignoire, quelques feuilles éparses. Un examen attentif de la toile apprend au curieux qu’il s’agit de billets destinés au secours d’une famille démunie. David indique par ce détail symbolique le soin que son camarde politique portait aux plus malheureux. La réalité est sans doute beaucoup moins glorieuse : lorsque Charlotte Corday pénètre dans la pièce, Marat est occupé à corriger les derniers articles de son journal, « L’Ami du Peuple ».

- Enfin, l’aspect du cadavre mérite réflexion. Si la pâleur de la chair dévoile sans doute les premières œuvres de la mort, le grain de peau est étonnamment lisse. Malade depuis de longs mois, le tribun devait sans doute souffrir des dizaines de pustules et autres lésions cutanées qui le recouvraient et lui procuraient d’affreuses douleurs. Mais le peintre pouvait-il dépeindre l’état tragique de son compagnon sans briser sa légende ?

C’est ce qu’il faut retenir de ce tableau : David a surtout travaillé en politique investi dans la Révolution. La toile, au-delà de sa réussite esthétique, est avant tout une œuvre de propagande. Sous les pinceaux habiles de l’artiste, le personnage intransigeant et brutal qu’était Marat, se modifie : il devient le martyr des Montagnards, bon et généreux, sacrifié sur les marches de la patrie...

 

LE PASSAGE DES ALPES PAR BONAPARTE.

 

Ce tableau évoque la campagne victorieuse d’Italie menée par Bonaparte, alors Premier Consul, contre les forces autrichiennes. La belle victoire de Marengo (14 Juin 1800) donne au glorieux général la satisfaction d’écarter pour quelques temps le danger Habsbourg. David retrace à travers sa toile l’épisode mémorable du passage des Alpes, au cours de l’hiver. Napoléon y est déjà dépeint en conquérant sûr de lui.

- Le visage du personnage reflète une détermination absolue. L’index brandi en avant, vers les sommets montagneux, Bonaparte ne doute pas de l’issue des engagements militaires. Au-delà de l’évènement, c’est bien l’ascension politique de son protecteur (encore à venir) que l’artiste souligne. Rien ne semble devoir entraver la route conduisant le Consul au pouvoir.

- L’inscription « Bonaparte » que l’on découvre sur la roche ne permet aucun doute : l’action du futur empereur appartient déjà à la postérité. Comme si la montagne devait elle-même porter le souvenir éternel de son passage.

- Les mots « Carolus Magnus », gravés sur la pierre, à proximité du nom de Napoléon apportent la certitude que le maître de la France entend suivre les pas de Charlemagne. S’imagine-il être l’héritier du souverain médiéval ? Le tableau semble vouloir le suggérer en tous les cas.

Comme très souvent chez David, de la scène idéalisée sur la toile à la réalité, il y a beaucoup. Une fois encore, le brillant artiste travaille au service d’un régime politique. Le caractère hautement symbolique de la composition n’échappe évidemment pas.

Le passage des Alpes par le Premier Consul est moins glorieux et beaucoup plus délicat que l’auteur ne le laisse entendre. C’est sur une mule, un animal beaucoup mieux adapté aux rigueurs de la montagne que le cheval, isolé de ses troupes (L’œuvre montre Napoléon entouré de ses soldats, tel un véritable meneur d’hommes) que le général franchit le Col du saint- Bernard.

Pour les besoins de la propagande officielle, le peintre a donc modifié les éléments d’une réalité qui ne mettait pas spécialement en valeur le conquérant.

 

LE SACRE DE NAPOLEON.

 

S’il est une toile dans laquelle David retrace la force du régime napoléonien, c’est bien « Le Sacre ». L’auteur accomplit ici l’une de ses plus belles œuvres. Néanmoins, la scène, telle qu’elle est décrite, ne renvoie qu’une vision bien lointaine de la cérémonie du 2 Décembre 1804. Au lendemain de son couronnement, l’Empereur souhaite inscrire dans la postérité l’instant de son avènement. David accepte la charge, ô combien lourde et délicate, d’en immortaliser le souvenir.

Napoléon surveille les travaux dès ses débuts. Le tableau du sacre n’est pas n’importe lequel. C’est celui qui doit étaler au regard ébahi du curieux la puissance de son pouvoir, le prestige de sa famille. Nulle imperfection, nulle note discordante ne doit troubler l’harmonie et l’ordonnancement du spectacle. Quitte à trahir, s’il le faut, une réalité parfois encombrante. Le souverain réfléchit au moindre détail, corrige le trait de David, rectifie le coup de pinceau, pense jusqu’aux attitudes des protagonistes de la cérémonie. Chef d’œuvre esthétique, oui. Démonstration du talent artistique du peintre, également. Mais surtout, témoignage de propagande au service de l’Empire.

- Le souverain détient la place essentielle de la scène : enveloppé d’une lumière dorée, le personnage procède au couronnement de son épouse. La position centrale de la petite estrade sur laquelle il est monté le distingue nettement de l’assistance. La tenue traditionnelle qu’il porte rappelle sa filiation directe avec les anciens Césars de l’antiquité romaine.

- Plus en retrait, le pape Pie VII, se contente d’un rôle secondaire. Installé sur un fauteuil prévu pour lui, sa passivité frappe le regard du curieux. Spectateur d’une cérémonie qu’il ne maîtrise pas, le chef de la chrétienté affiche l’expression d’un ennui profond. Sur ce point, David n’expose pas la réalité de l’évènement. Le prélat a participé plus activement au sacre. Mais, dans la composition, qu’il a imaginé jusqu’au moindre détail, Napoléon ne lui accorde qu’une importance limitée. Un moyen efficace pour fournir à l’Empereur des Français la liberté d’exprimer sa supériorité politique face à Rome. Quand on lui présente la toile achevée, Pie VII manifeste un très vif mécontentement de se voir ainsi reléguer à un plan secondaire. Cet épisode annonce les relations conflictuelles que la Papauté et le Napoléon entretiendront jusqu’en 1815.

- c’est également selon les recommandations de son maître que David modifie quelque peu le déroulement de la scène. Si l’artiste prend le parti de représenter la mère du souverain dans l’assistance, en très bonne place, nul n’oublie que le jour de l’évènement, auquel elle n’était d’ailleurs pas vraiment favorable, la vieille femme se trouvait très loin de paris, en Corse.

D’autre part, la participation active des sœurs de Napoléon auprès de l’impératrice (Elles prennent soin de sa longue robe) semble vouloir indiquer la parfaite entente familiale qui se serait construite auprès de l’Empereur. Dans les faits, de très vives tensions animent le clan des Bonaparte : jalousie, aigreur, manigances…..Au cours de son règne, le monarque ne cessera d’arbitrer les querelles et les disputes de son entourage. Querelles et disputes d’autant plus violentes que les conquêtes réalisées en Europe et les couronnes à distribuer attisent les convoitises de chacun. Mais peu importe qu’il faille faire bon marché de la réalité. Napoléon a saisi toute l’importance que revêt auprès du peuple l’image, même si elle est corrigée pour les besoins de la propagande, d’une famille unie et solidaire.

Le magnifique tableau de David doit-il pour autant décevoir ? Certes il ne dévoile pas l’organisation de la cérémonie dans son exactitude la plus complète. En revanche, il en dit long sur la personnalité et le programme politique de l’Empereur : volonté de puissance et de gloire (Au détriment du pape), recherche d’une adhésion et d’une stabilité autour du régime (David a réinventé une harmonie familiale qui n’existe pas)... La toile annonce pour qui sait y découvrir les clés de lecture ce que devait être le règne éphémère de Napoléon.

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